Comment parler de la mort aux enfants

Comment parler de la mort aux enfants


Dernièrement, nous avons vécu un deuil dans la famille. C’est le cœur lourd qu’il a fallu annoncer la triste nouvelle aux enfants. La mort fait partie de la vie. C’est la réalité de ce monde. Alors, comment aborder le sujet avec les enfants ? Doit-on leur dire toute la vérité ? Est-il pertinent de laisser des enfants assister à une cérémonie funéraire ? J’ai décidé de partager avec vous mes recherches, mes réflexions et notre expérience de la mort expliquée aux enfants.

Les enfants et la mort

Pour l’enfant qui découvre les termes « mort » ou « décès » pour la première fois, il s’agit d’intérioriser un nouveau concept, une notion qui lui était jusque-là encore inconnue.

Il faut se mettre à sa place. L’enfant n’a pas tout le bagage émotionnel que nous avons. Il va devoir se construire une idée, une vision de ce qu’est réellement la mort. C’est un ensemble de processus cognitifs qui va permettre à l’enfant de construire sa propre représentation de la mort.

Rappelons-nous que nous ne sommes pas tous sensibles de la même manière face au deuil. Certains auront tendance à pleurer facilement à l’annonce de la mort d’un oisillon tombé du nid, d’autres ne ressentiront qu’un petit pincement au cœur. C’est donc notre vécu qui va définir notre état émotionnel face à la mort.

Les étapes du système cognitif

Comme je le disais juste avant, l’enfant va devoir intégrer la notion de mort en passant par un ensemble de processus cognitifs, appelé « fonctionnement exécutif ». Comme mentionné dans l’encyclopédie d’universalis.fr, ce mécanisme a pour but « de faciliter l’adaptation de la personne aux situations nouvelles et/ou complexes ».  Pour ce faire, l’enfant va passer par plusieurs phases.

Phase 1

La première n’est autre que la réception et le décodage de l’information. C’est dans cette étape du processus que nous, parents et adultes avons la lourde tâche de trouver les bons mots pour apporter l’information nécessaire pour la suite du processus. Nous reviendrons après sur le rôle et la manière la plus adéquate de parler à l’enfant de la mort.

Phase 2

Pour en revenir aux différentes phases, la suivante correspond à l’analyse et à l’assimilation de l’information. Pour ce faire, l’enfant va utiliser ses différentes facultés cognitives :

  • La perception
  • Les sensations,
  • La mémoire
  • La pensée
  • Le raisonnement,
  • Le jugement et la prise de décision
  • La résolution de problèmes
  • Le langage

Phase 3

Une fois que l’enfant aura pris le temps d’analyser l’information, il va pouvoir passer à l’action. C’est donc la 3ème phase de ce processus. Face à la mort, cela peut correspondre à pleurer, être en colère, avoir peur ou même garder ses émotions au fond de soi.

Suite à son action, il va pouvoir réceptionner de nouvelles informations, les analyser, se remettre en question et faire évoluer ses actions. C’est donc un processus cyclique qui se développe tout au long de notre vie et qui modifie constamment nos réactions.

Le rôle de l’adulte dans l’analyse de la mort par les enfants

Maintenant que nous connaissons un peu mieux le fonctionnement du cerveau humain lorsque nous recevons une nouvelle information, voyons comment nous pouvons aborder le sujet de la mort avec les enfants.

Si vous avez bien compris les étapes de ce processus d’appropriation de la notion de mort, vous aurez réalisé qu’un grand nombre de fonctions cognitives entre en jeu. Il ne s’agit pas uniquement de nos paroles, mais également de notre attitude, de ce que nous allons laisser voir de nos émotions et le ressenti général de l’enfant sur la situation qu’il est en train de vivre. Tous ses sens sont en éveil et apportent des informations à son cerveau.

Voici donc quelques réflexions que vous pouvez méditer pour mieux appréhender l’échange sur ce thème de la mort avec les enfants.

Nos enfants sont entourés de la vision de la mort

Ce titre paraît macabre, pourtant, il n’est pas moins faux. La mort est partout : dans les livres (les contes et les histoires sont remplies d’allusions à la mort), dans les dessins animés préférés de nos enfants (dans la Reine des neiges, les parents des deux fillettes meurent en mer ; Bambi perd sa maman, …), dans la nature (c’est le cycle de la vie, disait le papa de Simba dans le roi Lion) et bien sûr dans nos vies.

Les occasions d’aborder le sujet de la mort avec les enfants sont donc nombreuses et ne devraient pas nous mettre mal à l’aise. C’est tout simplement la réalité de la vie, de la nature. Que ce soient les plantes, les animaux ou les êtres humains, nous sommes tous condamnés au même sort : naître, vivre et mourir.

Pour vous donner un exemple d’opportunité d’aborder le sujet de la mort avec nos enfants, laissez-moi vous raconter une de nos grandes discussions avec notre fille.

Elle devait avoir environ 5 ans et nous parlions des membres de la famille. Comme c’était un peu difficile de se représenter chaque lien de parentalité, j’ai décidé de faire un arbre généalogique avec les enfants. Et j’y ai mis tout le monde, même les personnes décédées.

C’est tout naturellement que notre fille a voulu savoir qui était ces 2 jeunes personnes qu’elle ne connaissait pas : un cousin et une cousine de mon mari. Pourquoi ne les a-t-elle jamais rencontrés ? Pourquoi étaient-ils morts ? Qu’est-ce que c’est que la mort ? Est-ce qu’on va au paradis après la mort ? … ?

Cette discussion a été un très beau moment entre notre fille, mon mari et moi. Par la suite, de temps en temps, elle revenait avec d’autres interrogations, toutes plus intéressantes les unes que les autres.

En utilisant ces opportunités pour répondre aux questions de nos enfants sur la mort, c’est une manière de permettre à l’enfant de recevoir des informations par petites quantités et pouvoir les traiter tranquillement. Cela lui permet d’avoir une réflexion personnelle sur ce sujet. Ainsi il poura agir lorsqu’il sera confronté à la mort d’un proche ou d’un animal de compagnie.

Parler de la mort aux enfants, oui mais avec sincérité

Peut-être le savez-vous déjà, mais un enfant ressent beaucoup plus de choses que ce qu’on peut l’imaginer. Déjà petit, le nourrisson va percevoir lorsque sa maman va mal, est triste ou au contraire est heureuse et épanouie. Plus l’enfant grandi, plus il va se rendre compte des contradictions entre notre état émotionnel et nos paroles.

C’est donc avec sincérité que nous devons leur parler de la mort. Qu’on soit bouleversé par un deuil au moment d’en parler avec l’enfant ou que l’on soit apeuré par la mort, il est important de mettre des mots sur notre ressenti.

« Je suis triste que papy ne soit plus auprès de nous, mais je sais que maintenant, il ne souffre plus. »

« Tu sais mon chéri, la mort me fait aussi peur, parce qu’on ne sait jamais quand ça arrive. Mais, je préfère ne pas y penser et profiter de la vie, des instants présents où l’on est ensemble. »

Ça semble brutal à nos yeux d’adulte de parler ainsi, mais c’est bien plus rassurant pour l’enfant de savoir que la tristesse ou la peur qu’il perçoit en nous est vrai.

Si le sujet vous intéresse, vous pouvez aller lire (ou écouter en version podcast) cet article que j’avais écrit sur la transmission de notre peur aux enfants et comment l’éviter.

Des enfants aux cérémonies funéraires

Lorsque nous avons appris le départ de l’arrière-grand-père de nos enfants, il y a quelques mois, la question de la présence des enfants à l’enterrement s’est posée. C’est dans ce contexte que j’ai eu la chance d’échanger avec ma belle-sœur.

Enfant, elle n’avait pas le droit d’assister aux cérémonies funéraires. C’était comme ça dans sa famille. En agissant de cette manière, les adultes pensent protéger les enfants. Pourtant, ma belle-sœur exprime aujourd’hui, qu’être présent lors des enterrements lui a manqué dans son processus de deuil. (Je parlerai plus en détail des étapes du deuil dans un prochain article.)

Cette confidence m’a bien fait réfléchir.

Évidemment, pour intégrer une notion telle que la mort, il est important d’avoir le plus d’informations possibles. Et justement, l’enterrement en fait partie. Participer à la cérémonie, au cortège ou encore à l’ensevelissement du cercueil ou de l’urne, ne sont autre que des données supplémentaires pour l’analyse de l’enfant. Pourquoi donc lui en priver.

Bien évidemment, forcer l’enfant contre son gré à assister à une telle cérémonie serait contreproductif. Nous avons donc demandé aux enfants s’ils souhaitaient venir avec nous. Les deux grands, âgés de 8 et 7 ans, ont décidé de nous accompagner. Pour les deux petits, à 5 et 2 ans, c’était encore totalement inconnu pour eux.

Résultat : ils ont tous très bien vécus ces moments et ont apprécié regarder l’urne descendre au fond du trou. C’est d’ailleurs à cet instant que notre fils de 5 ans a vraiment pris conscience que son arrière-grand-père était parti.  

La mort expliquée aux enfants en résumé

Au départ, les enfants n’ont pas les mêmes appréhensions, face à la mort. Ils ont besoin d’informations pour que le processus cognitif se mette en marche. Des informations qu’ils vont percevoir à travers leurs sens. C’est seulement après avoir analysé ces éléments que l’enfant se construira une opinion de la mort.

L’adulte a donc un rôle à jouer dans la transmission de ces informations. En exprimant sincèrement son ressenti face à la mort, en étant ouvert aux discussions avec son enfant qu’importe le contexte, en évitant de créer un tabou autour de ce phénomène qui fait partie de la vie et en laissant l’enfant avoir accès aux informations nécessaires à sa propre analyse sur la mort (exemple : assister à l’enterrement), il permet à l’enfant de se construire et de se créer une opinion personnelle, sa propre vision de la mort et son comportement à adopter dans de telles circonstances.

Comme ma belle-sœur, vous avez aussi des anecdotes de votre enfance liées à la mort qui vous ont marqué ? Des attitudes d’adulte, des paroles,… qui vous ont permis de mener à bien votre deuil et votre réflexion ou au contraire qui vous ont empêché d’avancer ? Pour aider les autres parents dans leur recherche de la meilleure attitude à voir pour aborder le sujet de la mort avec leurs enfants, chaque anecdote partagée en commentaire, enrichira cette réflexion.